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En conversation avec Takuto Yudasaka

Chercheur chez Yamaha, Takuto Yudasaka fait une résidence de recherche dans le secteur Technologie musicale de l’École de musique Schulich

°Ő˛ą°ěłÜłŮ´ÇĚýłŰłÜ»ĺ˛ą˛ő˛ą°ě˛ą est chercheur en instruments de musique chez Yamaha. Lors de sa rĂ©sidente rĂ©cente Ă  MontrĂ©al, il a menĂ© des recherches en gĂ©nie acoustique au sein du Laboratoire de modĂ©lisation acoustique computationnelle (Computational Acoustic Modeling Laboratory, ou CAML) et du Centre de recherche interdisciplinaire en musique, mĂ©dias et technologie (Center for Interdisciplinary Research in Music Media and Technology, ou CIRMMT) de l’École de musique Schulich. 

Gary Scavone, directeur du DĂ©partement de recherche musicale et directeur du CAML, a travaillĂ© en Ă©troite collaboration avec °Ő˛ą°ěłÜłŮ´ÇĚýłŰłÜ»ĺ˛ą˛ő˛ą°ě˛ą pendant sa rĂ©sidence. « Ce fut un plaisir de travailler avec Takuto dans notre laboratoire, dit le directeur, car il a amenĂ© les Ă©tudiants Ă  voir leurs recherches Ă  travers le prisme de la conception de produits, tout en vivant une immersion dans un milieu universitaire multidisciplinaire. » 

Les travaux de Takuto Yudasaka portent sur les fonctionnalités que recherchent spécifiquement les musiciens dans un instrument. À titre d’exemple, pendant son séjour à Montréal, il a collaboré avec Satoshi Yamaguchi à la création d’un nouveau système de batterie, appelé VXD, dont la grosse caisse se déclenche par commande vocale. Les progrès du chercheur sont en grande partie attribuables à des collaborations directes et à des discussions avec d’autres musiciens et chercheurs en acoustique. 

Dans la présente entrevue, Takuto Yudasaka parle de son expérience au CAML et au CIRMMT, de ses fonctions chez Yamaha et de ses projets, et donne quelques conseils aux futurs chercheurs. 

En quoi votre travail au sein du CAML et du CIRMMT de l’Université McGill a-t-il influencé vos méthodes, vos collaborations ou vos résultats de recherche ? 

Mon séjour à l’Université McGill à titre de chercheur invité a eu une profonde influence sur ma façon d’explorer le savoir et d’approfondir mes connaissances. 

Depuis plus de dix ans, je participe à la recherche et au développement d’instruments de musique au siège social de Yamaha, au Japon. Au cours de cette période, le contexte commercial a considérablement changé. De nombreuses entreprises misent sur les collaborations en vue d’explorer de nouvelles idées et technologies. Toutefois, la valeur intrinsèque des instruments de musique est demeurée la même. Je me suis toujours demandé : « Quel type d’instrument répond réellement aux besoins des musiciens? » Dans le but d’explorer de nouvelles avenues et d’approfondir les connaissances que nous possédons déjà, j’ai déménagé à Montréal pour faire de la recherche avec le CAML et le CIRMMT. 

Au CAML, le Professeur Gary Scavone et son équipe ont des points de vue diversifiés sur l’acoustique musicale et possèdent une expertise approfondie dans ce domaine. Nos discussions ont été extrêmement utiles à chaque étape de la mesure, de la simulation et de l’analyse des guitares électriques. Nous avons ainsi pu trouver les causes de problèmes tels que les « battements » et les « zones mortes », qui déplaisent à bien des guitaristes. Je pense que ces connaissances contribueront directement à la conception de produits Yamaha. 

Pour sa part, le CIRMMT offrait un environnement idéal pour l’exploration de nouvelles idées. Il m’a permis de participer à des recherches en musique non seulement à Montréal, mais aussi dans le monde entier. J’ai ainsi pu constater que le monde universitaire ainsi que les secteurs privé et public travaillaient de concert pour soutenir la culture artistique numérique. J’ai également acquis une meilleure compréhension des applications potentielles de la technologie dans les marchés musicaux émergents. De plus, j’ai pu nouer des liens avec des chercheurs du CIRMMT, qui pourraient déboucher sur de futures collaborations avec Yamaha. 

Dans l’ensemble, mon expérience à l’Université McGill a élargi mon approche de la recherche, a donné des résultats concrets pour le développement de produits et m’a aidé à établir des partenariats internationaux. 

Comment cette expérience vous a-t-elle marqué en tant que musicien et chercheur? 

Avant de déménager à Montréal, je menais déjà des recherches sur le comportement physique des guitares électriques. Les résultats de ces travaux ont été utilisés pour , sortie en 2024. 

Puis, pendant ma résidence à Montréal, on m’a proposé de relever un nouveau défi : « explorer le savoir ». Il s’agit d’une initiative visant à poser de nouvelles questions et à faire de l’exploration en discutant avec des chercheurs du monde entier dans des domaines où il n’existe pas encore de réponses claires. Même si j’ai parfois ressenti une certaine confusion due aux différences de culture, de langue et de méthodes de recherche, cette expérience a été très stimulante et enrichissante. 

Ce qui m’a le plus impressionné, c’est l’attitude des membres du CIRMMT. Ils sont tous animés d’une passion profonde pour la musique et croient à l’importance des discussions ouvertes et multidisciplinaires. J’ai participé à de nombreux échanges sur l’apport de la recherche en technologie musicale à la société, où j’ai présenté le point de vue de Yamaha. Ces discussions m’ont permis non seulement de nouer des liens, mais aussi d’acquérir les compétences et de me mettre dans l’état d’esprit dont j’avais besoin pour transformer ces liens en collaborations concrètes. Cette expérience a considérablement élargi mes horizons comme chercheur et m’a permis de franchir une nouvelle étape dans ma carrière chez Yamaha. 

La musique elle-même a joué un rôle de premier plan dans la création de ces liens. En effet, grâce aux séances d’improvisation avec les instruments, les barrières de la langue et de la culture sont tombées d’elles-mêmes et nous avons pu établir des relations de confiance. J’ai pu constater, une fois de plus, que la musique, tout comme l’anglais ou les langages de programmation, était un moyen de communication universel. Porté par cet art, et désireux de lui rendre ce qu’il m’a donné, j’espère continuer à contribuer au monde de la musique. 

Quels aspects de votre travail chez Yamaha trouvez-vous les plus valorisants, en particulier dans le contexte de vos constats de recherche récents? 

C’est lorsque mon travail contribue à la musique qu’il m’apporte le plus de satisfaction, et il en va ainsi pour de nombreux ingénieurs chez Yamaha. Mais parvenir à ce résultat n’est jamais facile. Chez Yamaha, le processus complexe de développement de produits s’opère en coulisse. 

  • Au stade de la recherche, je dois rĂ©soudre les problèmes dĂ©couverts dans les produits existants et mettre au point des technologies qui crĂ©ent de la valeur ajoutĂ©e. 

  • Viennent ensuite les phases de planification, de conception et de vĂ©rification, prises en charge par des services spĂ©cialisĂ©s. 

  • Au stade de la planification, on imagine de nouveaux produits en fonction des rĂ©sultats de nos recherches et des besoins du marchĂ©. Certains produits sont des propositions entièrement nouvelles issues de la recherche, tandis que d’autres sont de nouvelles versions de modèles existants pensĂ©es en fonction des besoins des utilisateurs. 

  • Au stade de la conception, les dessins et le code source sont créés conformĂ©ment au plan. Pour les instruments acoustiques, l’ensemble du travail peut ĂŞtre rĂ©alisĂ© par un seul concepteur, mais pour les instruments Ă©lectroniques ou les consoles de mixage, des Ă©quipes de plusieurs dizaines de personnes peuvent ĂŞtre mobilisĂ©es. 

  • Lors de la phase d’évaluation, on vĂ©rifie minutieusement que le prototype fonctionne comme prĂ©vu. On s’intĂ©resse Ă  la qualitĂ© sonore et Ă  la facilitĂ© de jeu, bien sĂ»r, mais aussi Ă  la sĂ©curitĂ© des composants Ă©lectroniques, Ă  la stabilitĂ© du logiciel, Ă  la faisabilitĂ© de la production en sĂ©rie et Ă  la durabilitĂ© pendant le transport. Cette phase prend souvent beaucoup plus de temps que la phase de conception. 

La recherche dans le secteur privé comporte des difficultés différentes des problèmes qui se posent en recherche universitaire. Même la technologie la plus novatrice ne sera pas adoptée si elle ne répond pas aux besoins du marché. Il peut y avoir des conflits avec d’autres fonctionnalités lors de la conception, ou des problèmes inattendus lors des évaluations. Surmonter ces obstacles et voir mes recherches devenir un produit, quelque chose qui se rend jusqu’aux clients et qui produit de la musique, me procure une joie incomparable. 

En 2024, les guitares électriques des séries Pacifica Professional et Pacifica Standard Plus de Yamaha ont été équipées d’une nouvelle technologie de micro que j’ai mise au point. Pendant les évaluations, lorsqu’un guitariste a utilisé la technique de battue funk pour jouer un rythme si entraînant qu’il m’a donné envie de danser, j’ai compris que tous mes efforts avaient porté leurs fruits. 

Où vous voyez-vous après la fin de votre mandat à Montréal? 

En septembre 2025, je terminerai ma mission de près de deux ans à l’étranger et je retournerai au siège social de Yamaha, au Japon. Au cours de ce mandat, j’ai acquis des connaissances précieuses sur la technologie musicale et sur l’expression musicale grâce à des projets collaboratifs avec des instituts comme le CAML et le CIRMMT. Pour poursuivre dans cette lignée, je prévois me concentrer sur trois thèmes après mon retour. 

Tout d’abord, je souhaite utiliser les résultats de ma recherche conjointe avec le CAML et le CIRMMT dans le développement de nouveaux produits. L’une des réalisations les plus importantes a été l’acquisition de nouvelles technologies susceptibles d’améliorer la qualité sonore des guitares électriques. En intégrant cette technologie dans la prochaine génération de produits, j’espère aider les musiciens dans leur travail créatif et dans leurs prestations, et ainsi contribuer à l’évolution de la musique elle-même. 

Deuxièmement, je souhaite mettre à profit les notions que j’ai acquises et le réseau international que me suis constitué pendant mon mandat au CIRMMT pour créer des gammes de produits et des services entièrement nouveaux. J’ai été particulièrement inspiré par le concept de la technologie comme outil d’expression artistique. J’aimerais utiliser cette approche pour bonifier l’offre de produits de Yamaha en vue de permettre aux artistes d’explorer des formes d’expression plus variées et de stimuler leur créativité. 

Enfin, j’aimerais servir de pont entre le monde universitaire et Yamaha en favorisant la collaboration entre l’un et l’autre. Les universités et les établissements de recherche réalisent d’excellents travaux, mais transformer ces résultats en produits n’est pas chose simple. Il existe souvent un fossé entre la recherche et l’application pratique. Pour combler ce fossé, nous avons besoin de communicateurs techniques qui comprennent et la théorie et la pratique, et peuvent ainsi concilier ces deux réalités. J’espère jouer ce rôle en conciliant les connaissances universitaires et les besoins du secteur privé dans le cadre de collaborations durables qui profiteront à tous. 

Quels conseils donneriez-vous aux chercheurs en herbe qui envisagent de travailler à l’étranger, en particulier dans le domaine de la technologie musicale? 

Un mandat de recherche en technologie musicale dans un établissement étranger vous permettra non seulement d’approfondir vos connaissances, mais également de vous constituer un réseau international indispensable à votre future carrière. Pour tirer le meilleur parti de cette expérience, il est important de choisir avec soin votre domaine de recherche et votre destination. 

Pour choisir un domaine, commencez par clarifier vos champs d’intérêt et vos points forts. Demandez-vous : « À quel aspect de la musique est-ce que j’aimerais contribuer ? » Que vous souhaitiez concevoir de nouveaux instruments, créer des outils pour faciliter la composition ou innover dans l’enseignement de la musique, la première étape consiste à définir clairement votre objectif. La technologie musicale est un domaine interdisciplinaire, mais plutôt que d’essayer de tout couvrir vous-même, collaborez avec des chercheurs qui apportent une grande expertise dans un domaine bien défini : ce sera plus efficace. C’est pourquoi il est important de choisir votre spécialité dès le départ. 

Choisissez ensuite un environnement de recherche qui vous aidera à vous perfectionner dans cette spécialité. Il peut être utile de lire les actes de conférences et d’assister à des présentations lors d’événements universitaires internationaux pour trouver les établissements dont les activités correspondent à vos champs d’intérêt. Idéalement, recherchez des endroits où se réunissent des chercheurs de diverses disciplines et où l’on encourage la collaboration active. L’Université McGill et le CIRMMT sont d’excellents exemples de ce type de milieu de recherche, et je peux les recommander sans hésitation. 

Si vous possédez déjà une certaine expertise, vous pourriez également postuler au de Yamaha, administré par le bureau de l’entreprise au Japon. Ce programme vous permettra de découvrir les applications de la technologie musicale pour la conception de produits. Si la perspective de mener des recherches conjointes fondées sur vos propres travaux vous intéresse, je serais heureux d’en discuter avec vous. Ensemble, repoussons les frontières de la musique! 

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